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Photo du rédacteurTIMOCLEIA

La Révolution s'affiche : quelle représentation des femmes ?

L'Assemblée Nationale propose pour le 230ème anniversaire de la Révolution Française l'exposition « La Révolution s'affiche » ; la République conservatrice préférant toujours affirmer que de révolution, il n'y en a eu qu'une, ce qui lui permet par la même logique de se positionner en LA République, comme si de république, il n'y en avait qu'une aussi.


L'exposition a pour bornes chronologiques la runion des états généraux du 5 mai, jusqu'à l'installation des députés du Conseil des Cinq-Cents au Palais Bourbon en 1798. La Révolution s'affiche, oui, mais du point de vue des parlementaires donc. Réduisant la question de la citoyenneté à sa prétendue représentativité. Une histoire sans femmes donc à priori. L'entrée par le 33 quai d'Orsay annonce la couleur et le genre : de tous les portraits des présidents de l'Assemblée Nationale, que des hommes blancs, un même visage.


Sauf que le fond de l'exposition est fourni par Louis-Ferdinand Portiez (1765-1810), témoin de la prise de la Bastille, représentant du peuple à la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, membre du Tribunat. Sa collection, conservée depuis 1832 au Palais Bourbon, a été extrêmement bien conservée. Marchez n'importe où en France aujourd'hui, vous ne trouverez pas de collages contre les féminicides en meilleur état.


Et donc, on commence par la grande histoire, des grands hommes, des grands évènements, des grands romans, pour la grande nation. Le manuscrit du procès-verbal de la séance du 20 juin 1789 soit le Serment du Jeu de Paume, le projet de Constitution annoté de la main même de Robespierre en 1791, les droits de l'homme de Thomas Paine, Le Sens Commun, et puis ça parle divorce.


« Légitimité, nécessité du divorce prouvées par l'exemple des rois de France, extrait du n°178 des Annales politiques, civiles et littéraires de M. Linguet ». Bien sur, cette légitimité et nécessité d'un droit des femmes est présenté par un homme et pour les hommes. C'est toujours de la nécessité des hommes dont il est question. Louis VII, Louis XII, Henri IV. Napoléon devenu Bonaparte saura s'en souvenir, en interdisant le divorce de nouveau, lorsqu'il répudiera sa femme. D'ici là nous sommes au printemps 1792 lorsque Gueffier le jeune imprime au 17 quai des Augustins cet article teinté d'ironie.


« Quand tout crie à la liberté, n'est-il pas étrange, ridicule, que pour donner le jour aux homems libres, il faille jurer d'être soi-même esclave ? » Si un homme se sent esclave parce que mari, on peut bien se demander ce que sent une femme parce qu'elle est femme. Pourquoi penser aux femmes par une affiche d'un homme, Simon Linguet, publiciste de son état, pour ses pairs ? Parce que le cœur des revendications de femmes en 1789 n'ont rien à voir avec celles d'Olympe de Gouges. Olympe de Gouges est un mythe élaboré à postériori par les féministes du XX e et du XXI e siècle, en aucun cas une réelle représentativité des préoccupations de ses contemporaines. Cette affiche de Simon Linguet y tend davantage. Mais bien sur, la mémoire supplante l'histoire, et c'est le buste d'Olympe de Gouges qui trône au Palais Bourbon lorsque les femmes sont évoquées par l'exposition. Je râle parce que j'ai vingt ans mais en 1999, il n'y aurait même pas eu de buste d'Olympe. Il n'y aurait pas eu de femmes tout court.


Admettons cependant que, illustrer les femmes dans la révolution par une monarchiste, c'est quand même assez idiot. Olympe est incontournable aujourd'hui, tout le monde s'attend à l'a voir quand on parle de 1789. Et on l'a voit. À côté de son buste, une de ses lettres signées au duc d'Orléans (futur Philippe Egalité, cousin du roi) sur les droits des femmes datée du 4 juillet 1789.


Puis, 16 et 17 janvier 1793, à Paris.

Ont voté pour

Robespierre : La mort.

Danton : La mort.

Collos d'Herboir : La mort.

Manuel : La détention dans un fort, ailleurs qu'à Paris, jusqu'à ce que l'intérêt public permette la déportation.

Billaud-Varennes : La mort dans vingt-quatre heures.

Camille Desmoulins : La mort.

Marat : La mort. Dans vingt-quatre heures.


Au-dessus du procès-verbal des séances de la Convention nationale du 2 au 24 janvier 1793, sur la mort de Louis XVI, une affiche en jaune. « OLYMPE DE GOUGES DEFENSEUR OFFICIEUX DE LOUIS CAPET ». Il va falloir, un jour, que les militantes féministes se décident. On a pas l'histoire des femmes qu'on mérite là. Entre la monarchiste qui voulait sauver l'autrichienne et son mari, et la Charlotte Corday qui assassine le martyr de la Révolution, Marat. Et encore. Même De Gouges et Corday sont mal connues. Même les femmes monarchistes ont droit à la visibilité.


En attendant, il y a un détail, un point pas valorisé du tout par l'exposition, mais où réside tout l'enjeu du genre de la représentation de cette révolution. Les hommes qui ont pris puis détruits la Bastille ont eu droit à des certificats de patriotisme, des papiers officialisant leur dévouement à la nation et actant leur acte de bravoure. Avoir libéré une prison qui contenait sept prisonniers vraiment quel exploit bravo messieurs on pourrait presqu'en faire une fête nationale tient tellement que c'est un événement important ça, la prise de la Bastille (je suis ironique, très ironique). Par contre. Qui a ramené le roi à Paris ? Qui a fait voté les droits de l'homme au roi ? Qui a fait de la France une moanrchie constitutionnelle ? Qui a fait voté la Constitution au monarque ? Qui a changé le régime politique de la France pour, au moins, deux-cent trente ans, et j'espère, à jamais ? Qui a fait la Révolution, la politique dans les maisons de Paris chez le peuple pas dans les palais de Versailles chez Louis XVI, les droits de l'homme, le changement de régime politique ? Les femmes. Ce sont les femmes qui sont allées faire tout ça à partir du 6 octobre 1789. En échange ? Des certificats de patriotisme ? Des papiers officialisant leur dévouement à la nation ? Une fête nationale ? Non. La prison. Parce que détruire la Bastille c'était du bullshit.


Les femmes n'ont pas autant oeuvré à la Révolution que les hommes. Elles y ont plus travaillé. Et en échange, on se tape un jour férié le 14 juillet, on travaille tous le 6 octobre, sauf cette année peut-être parce que c'est dimanche et encore, les actrices de cette Révolution ont été emprisonnées, guillotinées, humiliées, battues, plus que les hommes.


Et qui, quel visage, quelle voix, porte aujourd'hui dans l'espace public la mémoire de cette injustice de genre ? Une monarchiste. Votre Olympe de Gouges.


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