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Photo du rédacteurTIMOCLEIA

"Fedora" Billy Wilder ( 1978 )

La première partie du film pourrait donner l'impression que Billy Wilder se projette complètement dans le personnage de Barry "Dutch" Detweiler, producteur, un peu paumé, mais héroïque, qui tente de sauver Fedora, une actrice, pas magnifique mais sublime selon ses propres mots, de la réclusion dans laquelle l'a plongée son sinistre mécène, une vieille comtesse en fauteuil roulant. Ce portrait à charge de la société hollywoodienne montre le producteur qui pourrait sauver l'actrice en proie à la dépression, à la perte de son identité, à la crainte perpétuelle de vieillir, ce qui l'a condamnerait, non pas pour jouer, mais pour s'inscrire dans les mémoires - immortelle se conjugue avec jeune. Ce même Billy Wilder, inspiré de Garbo et de Swanson, qui aurait pu sauver Monroe peut-être ? On reconnaît le médecin véreux, jugé charlatan par ses pairs, indispensable, omniprésent, vivant avec l'actrice. On reconnait la dame de compagnie, la dame à tout faire, sensée servir l'actrice, mais qui en sert la mécène. On ne reconnaît pas, ou mal, en revanche la vieille comtesse polonaise, tout droit sortie de chez Tolstoï. On apprend au 2/3 du film que Fedora a eu un accident qui l'a condamnait, et on apprend que c'est en 1962. Marilyn Monroe, star d'Hollywood dépressive et suicidaire par excellence, hante toutes les bandes. Marlene signe des voeux, adresse toutes ses condoléances entre Fellini et Sartre.

Le problème dont Fedora est le nom est : Comment partir ? Comment finir ? Comme actrice. "La légende doit continuer" décide la comtesse. Les actrices, parce qu'elles sont femmes, donc êtres humains, vieillissent en vivant. Mais qui imaginerait Marilyn Monroe vieille, mutilée, et se déplaçant en fauteuil à roulant sous une couverture chauffante avec un long châle noir sur les cheveux ? Fedora tient tout de l'image, craquelée, morcelée. Fedora est un nom écrit à l'infini sur des carnets, une marque pour des Oscars, une garantie pour un film. Fedora ne peux plus voir son propre visage. Le film commence par la fin d'Anna Karénine : un suicide, violent, une femme se jetant sous un train. Le mode de mise à mort est suffisemment rare pour être soulevé. Ne relevant pas du genre féminin a priori, biberonné au style de Cléopâtre et renforcé par le style de Monroe. Une femme ça prend des cachets, ça s'empoisonne. La comtesse affirme que la première préoccupation d'une femme avant de se supprimer est de s'interroger sur sa beauté physique post-mortem. Toute l'oppression des actrices est dans cette injonction à la beauté supra-humaine, post-mortem. Fedora saute du train, comme au théâtre, pas comme au cinéma, pas à la Marilyn ( si tant est que Monroe se soit réellement suicidée, ce qui n'est pas acquis, enfin passons ). Fedora ne pouvait pas mourir de biologie ou de chimique, Fedora ne pouvait mourir que visuellement, aux yeux des gens. C'est se supprimer dans son intégrité physique qui aurait dû fonctionner, pas de se supprimer tout court.

"Fedora" de Billy Wilder interroge la célébrité des femmes, toujours conditionnée à un idéal physique impossible, inhumain : une femme de trente ans joue une femme de soixante-sept ans. Et c'est Hollywood qui est accusé. Et pourtant, Hollywood a changé en 1978. Ici, Wilder dit aurevoir à l'âge d'or d'un cinéma qui en a tué plusieurs.


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