L'époque de Charlemagne est une époque de rénovation ecclésiastique ( surtout d'interdiction des pénitentiels, on pense entre autres au pénitentiel de Saint-Colomban ).Charlemagne veut unifier et les pénitentiels sont jugés trop brouillons, porteurs à la confusion. Les textes deviennent dans ce sens plus officiels. De plus, la morale sexuelle a changé depuis Saint-Colomban. Théodulphe va l'expliciter. C'est un membre du haut clergé, proche de Charlemagne, membre de la famille impériale, ainsi qu'un des traducteurs latins de la Bible. D'une certaine manière, Charlemagne s'adapte à l'opinion publique de son temps. Il comprend les soupçons, la misogynie, les fureurs maritales et parentales. L'Eglise carolingienne punit d'abord la femme qui étouffe son enfant. Les mères partagent alors leur lit avec leur enfant afin de faciliter l'allaitement. Il y a là crainte de tuer le bébé. Cela implique six ans de pénitence parce qu'on l'a soupçonne d'avoir fait exprès. C'est un soupçon d'infanticide. On ne peut pas savoir si c'est volontaire, ou pas, alors dans le doute, on l'a condamne. Un infanticid volontaire vaut lui, 12 ans de pénitence. Parce qu'on soupçonne un infanticide volontaire d'être une tentative d'étouffer l'adultère. Ou bien alors parce qu'il y a déjà trop d'enfants dans une famille. Toutes les sociétés d'Ancien Régime redoutent la surpopulation comme un danger social. Ces soupçons ne sont pas sans une franche misogynie. Quinze ans de pénitence si un fils est tué après sa naissance par sa mère. La misogynie cléricale est pourtant moindre que la misogynie laïque. La loi salique revisitée par les Carolingiens le dit plus clairement encore : la vie d'un homme vaut plus que la vie d'une femme. L'Eglise s'adapte à son temps. Quelle différence entre les articles 6 et 7 ? La confession spontanée d'un adultère implique que la femme n'ait pas été prise sur le fait par son mari. L'Eglise s'adapte ici à la gravité du scandale. Article 8 : le célibataire qui a une liaison est pensé un peu moins coupable ( 5 ans de pénitence ) parce qu'il déshonore moins de gens que s'il était marié. Les articles 2 et 12 concernent l'avortement. 7 ans de pénitence article 12 phrase 3 pour un avortement in utero. 10 ans dans l'article 3. L'avortement est puni plus sévèrement lorsqu'il y a tentative de masquer la liaison/l'adultère. L'avortement est ici représenté comme un infanticide : la tentative de dissimulation est une circonstance aggravante. Mais Charlemagne s'oppose à l'opinion publique au sujet d'autres thèmes, des thèmes transcendants. L'article 12 dit que l'avortement est moins grave avant le 40 ème jour qu'après. Parce qu'à partir du 40ème jour, on est sûrs et certains qu'elle n'a plus ses règles, sûrs qu'elle est bien enceinte. A partir du quarantième jour l'Eglise carolingienne considère que le bébé a une âme. Plus la symbolique du chiffre 40 omniprésent dans la Bible et notamment dans le Carême. Les Romains considèrent l'avortement comme normal jusqu'au huitième mois. La législation actuelle, jusqu'à la douzième semaine. Mais si le bébé meurt sans baptême, c'est un an de pénitence pour les parents. Cela témoigne d'une forme de mortalité infantile très précoce. Le premier réflexe des parents, lrosqu'un de leur bébé est mourant, est de l'emmener chez le médecin avant le prêtre, de le soigner avant de le baptiser. C'est un comportement laïc qui ne plaît pas à l'Eglise : celle-ci dit prêtre avant le médecin. L'article 11 stipule que la pénitence est doublée lorsque le crime commis l'est dans des lieux saints.Cela nous apprend sur la récurrence de faire l'amour dans des églises. Pour que ce soit écrit ici, ça a duré arrivé plusieurs fois. Surtout que l'adultère, c'est plus difficile à commettre chez soi qu'à l'extérieur. Une église carolingienne sert à de nombreuses choses, c'est là qu'on signe des contrats par exemple. C'est un lieu de vie autant qu'un lieu sacré. Mais cette conception de l'église ne plaît pas à l'Eglise, qui répond à ce réflexe spontanné par le chiffre maximal : 14 ans de pénitence. Charlemagne s'oppose aussi à l'opinion masculine au sujet des femmes. L'article 11 indique un crime pire que l'homosexualité : le coïtus interruptus.Cela s'oppose à l'onanisme du XIX e siècle. Un rapport sexuel inachevé dit que les laïcs essaient d'éviter une grossesse. On sait que dans la deuxième moitié du XX e siècle, avec la contraception, la pilu, le stérilet, etc, un couple sur deux la pratique encore. On imagine donc que cette pratique est encore plus courante à l'époque carolingienne. Donc par plus de la moitié de la population. Le problème du rapport sexuel sans enfants, c'est qu'il peut vite établir une stérilité qui incombera automatiquement à la femme. Cela veut dire que cette femme n'est pas une vraie femme. Dans un couple sans enfants, l'homme reste lui-même, mais la femme est foutue, elle finira à l'hospice. C'est un danger pour la femme extrêmement grave que de ne pas enfanter. Aussi, l'interdiction de ne pas éjaculer protège les femmes. Limiter la sexualité humaine ici protège les femmes. Les articles 3 et 4 évoquent le cas de liaison illégitime entre une femme et son beau-frère ( risque de conflit fraticide ). Le beau-frère est le seul homme avec lequel la femme ait un contact facile ( outre son mari ). C'est une sexualité donc sans avenir, un couple sans objet, donc un couple sanctionné. La conception de sexualité sans sécurité est une menace permanente pour les femmes. Ces statuts épiscopaux sont donc en définitive bien misogynes, parce que la société l'est et que Charlemagne lui répond. Parfois même l'Eglise innove en matière de misogynie. Mais parfois aussi elle en protège les femmes. Il y a plusieurs cas très différents à étudier. C'est surtout le fossé entre les femmes et le sacré qui se creuse, dans la mesure où c'est l'Eglise qui se sacralise de plus en plus. A la fin du VI e siècle, le vin est plus sacré qu'au début de ce même siècle. Rappelons pour conclure qu'au Moyen Age, un homme n'est jamais stérile. Aliénor d'Aquitaine au XII e siècle sera répudiée par le roi de France au motif de stérilité, avant d'avoir sept ans avec le roi d'Angleterre.
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