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Le discours antiféministe ne change pas

Les antiféministes changent très lentement, à tel point qu’on a même l’impression qu’ils stagnent. Leurs discours du moins. Celui de base notamment sur l’éternel cliché sexiste : « le féminisme fait des femmes d’éternelles victimes. » Nous entendons tous et toutes ça tous les jours. « On peut montrer la cause des femmes autrement que par les pleurs et la victimisation » dixit Marie S’Infiltre.

Celui-ci se renforce peut-être même après la création du Collectif Féministe Contre le Viol en 1985, l’appel aux victimes de viol « la honte doit changer de camp » en 2012, ou bien encore le livre « Un beau jour... Combattre le viol » de Clémentine Autain en 2011 marquant le fait que pour la première fois dans l’histoire de France une femme politique assume publique avoir été violée. « Le viol est l’expression ultime de la domination masculine. Le placer dans le champ politique, c’est le situer là où l’on peut le combattre » réaffirme-t-elle le 11 juillet 2012. Et le 25 novembre est là pour ça, pour le rappeler.

La première véritable enquête sur les violences ( ENVEFF, La Documentation Française, 2003 ) date du XXI e siècle, pourtant, les imaginaires qu’ils soient émancipateurs ou oppressifs ont bien devancé les études scientifiques pour s’emparer du sujet des violences sexuelles.

Le discours masculiniste notamment : les femmes en font trop, les femmes accusent à tort, les femmes veulent des tribunaux arbitraires et publics, les vrais tribunaux n’ont pas que ça à faire, les peines sont excessives, les victimes n’ont pas droit à la résilience après un viol elles meurent psychiquement, les femmes doivent se bouger le cul roh c’est pas si grave ça va il suffit de fermer les yeux.

Yvon Dellaire, masculiniste notoire, écrit en 2001 dans « Homme et fier de l’être » que la perception de la réalité est pire que la réalité, comprenez : les féministes exagèrent. Le viol est grave parce que le viol est perçu comme tel.

Marcela Iacub reprend le flambeau en accusant les féministes d’avoir fait du viol le crime suprême. Marcela Iacub récuse le consentement comme base fondatrice de tout acte sexuel parce que les femmes, privées de leur possibilité de consentir ou non, seraient fatalement victimes. Les antiféministes ont pour caractéristiques première de penser que les féministes exagèrent, puis de croire qu’elles ont triomphé. Comme Marie S’infiltre l’a suggéré dans la moindre once d’originalité depuis le XIXe siècle, les féministes triomphent ou triompheront en dominant les hommes. Les féministes veulent la domination ( assimilée à des pratiques BDSM ce qui est encore une fois, complètement hors de propos ... ). « Il fait bon d’être une zouz » disait-elle, samedi 23 novembre 2019, face aux milliers de femmes battues, violées, survivantes, mutilées, humiliées, qui défilaient dans les rues de Paris. « Il fait bon d’être une zouz » a-t-elle dit dos aux 137 noms de femmes mortes en 2019 a ce jour. Il fait bon pour elle et les autres meurent.

Un fait récent dans l’histoire des femmes ouvre donc une nouvelle perspective à ce discours rétrograde injurieux machiste et faux : la très récente politisation par les féministes des assassinats de femmes par les hommes. En 2002 le meurtre de Sohane Benziane brûlée vive dans le local à poubelle de la cité Balzac à Vitry-sur-Seine puis le meurtre l’année suivante de Marie Trintignant par Bertrand Cantat marquent le début de cette politisation. En 2006 pour la première fois le gouvernement communique cette phrase désormais obsolète : tous les trois jours une femme meurt sous les coups de son mari. Soit les chiffres étaient faux à l’époque ( très probable ) soit la situation a empiré en un peu plus de dix ans ( très probable aussi ). En 2019, c’est tous les deux jours et demi.

La première fois que l’antiféminisme a usé de sa ruse vidant de son objet le féminisme parce que soi-disant défendant une victime imaginaire, tel que le suggère Marie, c’était lors de la « première vague ». Après la démocratisation de la société, les guerres mondiales, les génocides, le recours à la justice de plus en plus fréquent, ces mêmes hommes sexistes en sont venus à parler d’une société de la victime globale, une société compassionnelle où l’existence sociale n’a pour condition que le statut de victime. Ces mêmes hommes, sexistes mais se présentant eux-mêmes comme « intellectuels », vont jusqu’à parler de déresponsabilisation de l’individu et de concurrence victimaire.

Il n’y a pas que des hommes pour apporter de l’eau au moulin du patriarcat. Elisabeth Badinter déclare que le féminisme est le « fer de lance » de « la victimisation générale de la société ». Elisabeth Badinter, en se prétendant héritière de Beauvoir, en vient à nier la corrélation entre violences contre les femmes et violences masculines. Comme Marcela Iacub, elle pense qu’il suffit de filer une gifle pour empêcher une main aux fesses. Les antiféministes déclarent indécentes et outrancières les femmes battues et ou violées qui se disent « survivantes ». Elles ne croient pas aux violences psychologiques. Elles crachent sur le féminisme radical. Andrea Dworkin y est décrite comme une furie ( ce que Judith Ezéchiel relève comme « un mariage politiquement réussi », l’alliage de l’antiféminisme et de l’antiaméricanisme ). Dans leur sillage, Camilla Paglia dit que les féministes cherchent à imposer un nouvel ordre moral par cette formule exceptionnellement stupide : « abandonner le sexe aux féministes, c’est confier son chien pour les vacances à l’empailleur ».

Bon nombre de perroquets à audience médiatique clament aujourd’hui la venue du temps de la victime ( a cause des féministes hystériques qui extrapolent tout tout le temps ). Donc le terme de victime reste bien dépréciatif et injurieux, de plus en plus injurieux même. Ce phénomène va de pair avec celui consistant à euphémisme les actes des agresseurs ( appelés « auteurs de violence » en général ou bien « playboy » comme Polanski qui drogue et viole par sodomie une enfant de treize ans ). Dire que les féministes exagèrent c’est ne pas prendre en compte leur parole. Mettre en scène une caricature antiféministe des féministes comme le fait Marie S’Infiltre, c’est empêcher davantage les victimes d’être ce qu’elles ont envie d’être, et c’est toujours plus protéger les violeurs les agresseurs les sexistes les machos et leur auditoire de soutien, les « intellectuels ». Et il n’y en avait franchement pas besoin.



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