top of page
Photo du rédacteurTIMOCLEIA

La sororité de Renée Vivien


A la Femme aimée ( Études et préludes )


Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,

Le ciel mêlait aux ors le cristal et l’airain.

Ton corps se devinait, ondoiement incertain,

Plus souple que la vague et plus frais que l’écume.

Le soir d’été semblait un rêve oriental

De rose et de santal.

Je tremblais. De longs lys religieux et blêmes

Se mouraient dans tes mains, comme des cierges froids.

Leurs parfums expirants s’échappaient de tes doigts

En le souffle pâmé des angoisses suprêmes.

De tes clairs vêtements s’exhalaient tour à tour

L’agonie et l’amour.

Je sentis frissonner sur mes lèvres muettes

La douceur et l’effroi de ton premier baiser.

Sous tes pas, j’entendis les lyres se briser

En criant vers le ciel l’ennui fier des poètes

Parmi des flots de sons languissamment décrus,

Blonde, tu m’apparus.

Et l’esprit assoiffé d’éternel, d’impossible,

D’infini, je voulus moduler largement

Un hymne de magie et d’émerveillement.

Mais la strophe monta bégayante et pénible,

Reflet naïf, écho puéril, vol heurté,

Vers ta Divinité.


A l’amie ( études et préludes )


Dans tes yeux les clartés trop brutales s’émoussent.

Ton front lisse, pareil à l’éclatant vélin,

Que l’écarlate et l’or de l’image éclaboussent,

Brûle de reflets roux ton regard opalin.

Ton visage a pour moi le charme des fleurs mortes,

Et le souffle appauvri des lys que tu m’apportes

Monte vers tes langueurs du soleil au déclin.

Fuyons, Sérénité de mes heures meurtries,

Au fond du crépuscule infructueux et las.

Dans l’enveloppement des vapeurs attendries,

Dans le soir énerve, je te dirai très bas.

Ce que fut la beauté de la Maîtresse unique…

Ah ! cet âpre parfum, cette amère musique

Des bonheurs accablés qui ne reviendront pas !

Ainsi nous troublerons longtemps la paix des cendres.

Je te dirai des mots de passion, et toi,

Le rêve ailleurs, longtemps, de tes vagues yeux tendres,

Tu suivras ton passé de souffrance et d’effroi.

Ta voix aura le chant des lentes litanies

Où sanglote l’écho des plaintes infinies,

Et ton âme, l’essor douloureux de la Foi.


A l’ennemie aimée : ( Dans un coin de violettes, 1910 )


Tes mains ont saccagé mes trésors les plus rares,

Et mon cœur est captif entre tes mains barbares.

Tu secouas au vent du nord tes longs cheveux

Et j’ai dit aussitôt : Je veux ce que tu veux.

Mais je te hais pourtant d’être ainsi ton domaine,

Ta serve… Mais je sens que ma révolte est vaine.

Je te hais cependant d’avoir subi tes lois,

D’avoir senti mon cœur près de ton cœur sournois…

Et parfois je regrette, en cette splendeur rare

Qu’est pour moi ton amour, la liberté barbare…


Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page