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La persécution des homosexuel.les sous le nazisme



En 1989 a été créé le mémorial de la déportation homosexuelle. A la fin des années 1970 le Front Révolutionnaire d’Action Homosexuelle a été créé, reprenant le symbole des hommes au triangle rose. Mais, comme cela a été dit en 1981, la déportation homosexuelle reste « un génocide pour lequel nulle réparation n’est prévue ».

Vers le milieu des années 1990 il y eut un semblant de reconnaissance officielle de la déportation en raison de l’homophobie. 210 hommes ont été reconnus comme arrêtés parce qu’homosexuels en 2001.

Pourquoi un silence aussi lourd peut-il autant perdurer, alors que le régime nazi est effondré depuis 1945 ?


Parce que les lois homophobes de 1942 sont restées effectives jusqu’en 1982. L’homophobie du nazisme n’a pas disparue avec le régime nazi.


C’est seulement en 1981 que la France a cessé de considérer l’homosexualité comme une maladie mentale.

Le paragraphe 175, celui qui a servit à déporter et a tuer en masse les homosexuel.les, n’a été abrogé en Allemagne qu’en 1994.


Dans le même temps certaines paroles ont pu émerger dans les milieux militants pour les droits LGBTQI+. Comme par exemple Marie-Jo Bonnet avec sa thèse en 1979 sous la direction de Michelle Perrot sur l’homosexualité féminine ( nous y reviendrons plus tard ). La parole de la persécution des homosexuel.les sous le nazisme n’étant pas considérée par les institutions, par l’histoire en quelque sorte « officielle », cette parole s’est alors livrée dans la mémoire des luttes.


Les quelques recherches qui ont eu lieu se sont surtout concentrées sur les hommes gays.

Effectivement, le paragraphe 175 a été renforcé après 1933. 50 % des hommes homosexuels sont déportés dans les camps, et 1% y sont interné. Le paragraphe 175 ne concerne effectivement pas les lesbiennes. Mais, bien évidemment, elles en sont aussi victimes. Leur existence est juste, encore une fois, complètement invisibilisée. On les tue mais on le dit encore moins que pour les hommes. Les lesbiennes sont, de plus, les plus ciblées par les violences sexuelles.


On remarque, par l’étude du théâtre, que l’homophobie n’est pas sans rapport avec l’antisémitisme. Il y a convergence de ces deux haines au XIXe siècle, convergence et prolifération. Avant ce siècle, il n’y avait pas de représentation d’homosexuels au théâtre, et l’antisémitisme au sens historique du terme n’existait pas en tant que tel : c’était de l’antijudaïsme. Au XIXe siècle, et même ce avant « la France juive » de Drumont, les figures juives prolifèrent au théâtre. Ce sont avant tout des figures juives masculines. Les caricatures représentent des hommes juifs grotesques avec des bijoux, « efféminées ». C’est pour ça qu’il y a très peu de juives : les Juifs sont déjà représentés comme des femmes, pour les inférioriser. La misogynie est donc la base de ces trois oppressions : l’antisémitisme, l’homophobie, et le sexisme.

Cette homophobie et cet antisémitisme inséparables fonctionnent aussi parce qu’ils sous-représentent les femmes. Cette culture homophobe et antisémite est alors extrêmement diffuse à droite, ainsi qu’à gauche. ( Pascal Mérigaud pour le cinéma a notamment contribuer à démontrer que Renoir était un cinéaste usant l’antisemitisme dans son œuvre ). Cette intersectionnalité des haines n’est pas non plus dénuée d’antiféminisme.


Les femmes juives ne sont jamais caricaturales. Par exemple Madame Simone, joue le rôle de la femme très belle, du danger détruisant la famille chrétienne, de la judéité détruisant la société par la même. Ce sont des rôles sexistes, antisemites, stéréotypés, mais pas caricaturés. Les femmes ont l’air d’avoir le beau rôle. C’est surtout un danger pour elle, l’insulte se fait pernicieuse, l’insulte est de leur dire qu’elles sont belles, tout le temps toujours, orientales fantasmées et fétichisées. L’autre danger pour l’homme blanc cis hétérosexuel catholique de cette fin du XIXe siècle, c’est la « femme cérébrale ». Très gros danger même que ces cerveaux féminins en action. La femme cérébrale est assimilée à la femme lesbienne. Lesbienne, dénaturée parce qu’elle a trop lu, elle est la femme dégénérée.


Dans le contexte qui suit la défaite de Sédan ( 1870 ), l’échec militaire de la France est vécu par les hommes cis hétérosexuels blancs et catholiques comme un échec de civilisation à cause d’une prétendue dévirilisation et d’une prétendue invasion juive. C’est là le grand changement pour l’homophobie dans le dernier tiers du XIXe siècle. Arrive la psychiatrisation.


On note que dans ce dernier tiers du XIXe siècle, l’une des représentations théâtrales les plus courantes est celle de la caricature de l’homosexuel. Une pièce qui caricature un homosexuel est sure de rencontrer un grand succès populaire ( c’est donc moins le cas de ce qu’on appelle les « grands auteurs » ).

On note aussi une haine de soi. Les auteurs homosexuels font des représentations théâtrales homophobes. Les auteurs juifs font des représentations théâtrales antisémites.


S’ajoute au contexte culturel, surtout, le contexte juridique. Sous l’Occupation les Nazis font l’épuration, mais cette épuration se fait à la carte vis à vis des homosexuels. Ce qui permettra aussi après la guerre l’effacement de cette mémoire homosexuelle. Ce qui permettra aussi aux hommes qui ont vaincu Vichy de ne pas remettre en cause toutes les discriminations commises par Vichy.

Les résistants sont pour beaucoup aussi homophobes. L’homosexualité est, dans l’imaginaire résistant, assimilée à la collaboration.


En 1997 un premier rapport est demandé par l’Etat. Celui-ci fait état de 210 déportés de France, dont 206 de l’Alsace-Lorraine. Ce rapport est rendu en 2001. Puis les recherches sont reprises en 2005 et 2006. On se rend alors compte que le rapport rendu par Claude Mercier, le premier, est faux a plus de 90%. C’étaient des étrangers qui étaient détenus en Alsace-Lorraine. Cependant c’est bien en Alsace que la répression homophobe est la plus vive. Parmi les 40 étrangers homosexuels déportés d’Alsace, il y a surtout des Allemands. Les disparités numériques entre l’Alsace et la Moselle sont dues aux administrations civiles, qui n’ont pas la même priorité de la part d’homosexuels à inclure dans l’épuration.

Il y a aussi avant toute chose un biais des sources, qui auraient laissées moins de traces en Moselle. Lorsque les homosexuels sont expulsés, lorsqu’ils sont considérés comme irrécupérables, c’est en France intérieur c’est-à-dire en zone libre. Le paragraphe 175 s’applique surtout en février et mars 1942 en Alsace-Moselle. Les archives font pour l’instant état d’une centaine de personne expulsées. Même si on pense qu’en réalité elles sont beaucoup plus nombreuses. Lorsque c’est homosexuels sont mariés et ont des enfants, c’est toute la famille qui est expulsée.


Le problème de cette histoire de la répression homophobe en France c’est qu’elle est très précoce et n’attend pas tout à fait le nazisme : la répression homophobe en France date de la Troisième République à 1982.


La plus grande rafle a lieu à Cannes et à Nice, ce sont 40 homosexuels nommés comme « invertis notoires » qui sont arrêtés dans les bars et les night-clubs de la Côte. Pour beaucoup d’entre eux ce sont des artistes. On les arrête au nom d’infractions au droit commun. Ce sont aussi souvent des repris de justice. D’abord internes pendant un ou deux ans, ils peuvent ensuite être libérés au nom de leur « rééducation ». De cette rafle on a retrouvée la trace de 7 déportés dans des convois d’évacuation après le 6 juin 1944. L’un de ces camps, celui de Schirmeck, a été détruit et n’existe plus comme tel. Aujourd’hui, on l’a réhabilité et on en a fait une mairie.


Le triangle rose quant à lui est utilisé à partir de 1937 sur les fichiers de la possible, même si c’est la barrette bleue qui indique le plus souvent les cas d’homosexualité. Cette même barrette bleue est aussi appliquée aux ecclésiastiques et aux prostituées. Dans les convois d’évacuation on retrouve davantage le triangle rouge. Sur les neuf homosexuels déportés en Allemagne par la Gestapo entre janvier 1943 et janvier 1944 qu’on a retrouvés parmi le silence écrasant des sources, tous ont le triangle rouge à leur arrivée dans les camps.


Lorsque des relations homosexuelles sont établies avec des soldats allemands, c’est l’évacuation. On postule toujours de l’espionnage ( d’où aussi le lien que faisaient de l’autre côté les résistants entre homosexualité et collaboration : les deux camps sont homophobes et considèrent toujours l’homosexuel comme un espion, un ennemi ). Les soldats allemands quant à eux ne sont pas officiellement condamnés mais plutôt reconduits sur le Front de l’Est. Les nazis préfèrent une mort discrète pour leurs semblables.


D’autres mémoires sont aussi empêchées, comme celle par exemple des prostituees à cause de leur maladie vénériennes. Alors que les prostituees vont directement au camp. Les homosexuels à la Libération n’ont aucun droit à la réparation. Ils n’ont donc aucune raison de faire des démarches. Un seul homosexuel a obtenu le titre de déporté. Un seul. Et ce au motif de « raisons politiques ». Les homosexuels n’ont donc pas témoigné. Sur les 100 000 homosexuels réprimés par le nazisme, 10 000 ont fini dans les camps de concentration. Ceux qui y ont réchappé ont pour cela du faire « preuve de virilité ». C’est ce que disent les sources, et nous avons déjà établies à quel point elles étaient biaisées.

Dans ce tour d’horizon de la persécution des homosexuel.les sur le nazisme, concluons que les femmes sont les plus invisibilisées des sources, complètement et totalement. Mais en aucun cas, Nuremberg n’a délibéré sur le cas de l’homosexualité. Et les grands héros de la Libération n’ont pas démenti les propos d’Himmler en 1937 « il faut les guérir ». L’homosexualité est restée une maladie mentale pour les Grands Résistants Vainqueurs.

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