Germaine Jeanne Yvonne, née à Puteaux dans les Hauts de Seine le 7 juin 1902 d'une famille issue du milieu ouvrier. Sa mère est une institutrice congréganiste, avec une obsession religieuse que Germaine ne partage pas. Son père est ouvrier mécanicien, fier républicain, franc-maçon. Elle est donc plutôt proche de son père, et partage son admiration pour Jean Jaurès. Enfant, elle monte déjà à l'école une pièce de théâtre sur le procès de Louis XVI. A dix ans, en 1912, la famille Berton s'installe à Tours et, bonne élève, Germaine obtient le brevet supérieur, avant de rentrer à l'Ecolde des Beaux-Arts. Germaine Berton obtient même le premier prix de dessin à vue. En 1915, amoureuse d'un soldat lors de la Première Guerre Mondiale qui meurt au combat, son antimilitarisme se développe. Dévastée de chagrin et révoltée d'injustice, elle tente de se suicider une première fois en se jetant dans la Loire. Elle survit, puis c'est son père qui meurt. Plus le temps pour l'Ecole des Beaux-Arts elle doit alors subvenir à ses besoins et devient ouvrière, d'abord dans une usine d'équipement américaine. En même temps qu'elle devient ouvrière elle adhère à l'Union des syndicats d'Indre et Loire, aux comités syndicalistes révolutionnaires, et à la section du comité de défense sociale de Tours. Elle est tout de suite très très active et la police établit plusieurs rapports sur elle, qui nous ont transmis certaines informations : Germaine Berton prône la violence. Recrutée dans les ateliers de chemin de fer de Tours, elle est mise en contact avec des militants et des militantes de la CGT et des cheminots et cheminotes qui mènent le mouvement syndical. Elle intègre les comités de défense syndicalistes. 1918, la Grande guerre se termine, le syndicat des Métaux à Tours se reconstitue. Mais elle a été ente temps virée de l'usine ( Rimailho de Saint-Pierre-des-Corps ) pour son action syndicale. Le patron l'a surnomme « la vierge noire ». 1920, elle est nommée secrétaire adjointe du comité syndicaliste révolutionnaire de Tours, fait un petit tour au PCF mais n'y adhère pas longtemps, à cause de leur rapport à l'URSS. 1920 est aussi l'année où elle débarque à Paris. En vendant des journaux elle finit par réunir suffisamment de fonds pour faire le sien : De l'acte individuel à l'acte collectif. Germaine Berton est définitivement bien une partisane de l'action directe et de la vengeance sociale. Elle rejoint l'Union anarchiste et devient employée pour le journal Le Libertaire, qui l'emploie à des tâches administratives ( ce qui est quand même assez genré ). Outre son rôle de potiche au Libertaire, elle écrit des articles dans plusieurs journaux, dont le plus remarqué est peut-être celui dans Le Réveil ( un journal communiste ) : « La France cette marâtre ignoble qui envoie ses fils crever sur les champs de carnage, est le pays le plus militarisé. La République, cette salope au mufle barbouillé de sang craint que les Français n'entendent les clameurs révolutionnaires du peuple russe et désertent. » Comme on lui a volé ses papiers d'identité, elle va au commisariat du pré Saint Gervais, où ils ont été retrouvés. Elle gifle le secrétaire du commissaire ( qui ne voulait pas lui rendre ). Germaine Berton est alors condamnée à trois mois de prison et une amende de 25 francs, son incarcération se fait à la prison de Saint-Lazare. En en sortant, elle va en manifestation au Pré-Saint-Gervais et se prend un coup de sabre. Elle se sépare peu de temps après de l'Union anarchiste pour leur communisme libertaire, tandis qu'elle demeure individualiste et décide d'adhérer au groupe des anarchistes du 14ème arrondissement. Elle adopte le comportement anarchiste de reprise ou d'égalisation des conditions. Voler aux riches ce n'est pas du vol. Globalement, elle est assez dévastée, avec de nombreux problèmes de santé, des avortements affreux dans des conditions misérables, et le suicide de son amoureux, un jeune anarchiste appelé à l'armée. C'est cet événement final qui lui donne la motivation pour l'acte qui l'a rend célèbre, le 22 janvier 1923. Elle rentre dans le bâtiment du siège d'Action Française, souhaitait abattre Charles Maurras ou Léon Daudet, mais aucun d'entre eux n'étaient présent, malheureusement. Depuis des années, ils attisaient la haine et sont responsables de la montée du fascisme des années 1930 et 1940 autant que de la remontée du fascisme à l'heure actuelle. Alors, elle assassine Maurice Plateau, secrétaire de la Ligue d'Action Française, d'un seul coup de revolver. Elle venge Jaurès et Miguel Almereyda. Elle proteste contre l'occupation de la Ruhr par la France. Elle tente de se suicider pour échapper au jugement, sans y parvenir. Dans l'édito du n°210 du Libertaire, l'Union anarchiste parle de « l'héroïque Germaine Berton » tout en omettant son nom du titre : « Marius Plateau secrétaire général d'Action Française tué à coups de revolver par une jeune anarchiste ». Ils ne disent pas son nom dans le titre. Ils disent une jeune anarchiste. Ils ne mettent pas sa photo non plus. Ils mettent celle de l'homme qu'elle a abattu. Le Libertaire organise pendant le procès une campagne de solidarité, plusieurs militants et militantes viennent assister à son procès et l'a soutenir. En revanche, comme l'assassin de Jaurès cette fois, et bien qu'elle ait revendiqué fièrement son acte, à la fin du procès, elle est acquittée le 24 décembre 1923. Elle est acquittée afin de ne pas pouvoir être martyre. De plus, le sexisme ambiant facilite l'acquittement : une jeune femme majeure est encore irresponsable. Le tribunal a privé le mouvement anarchiste d'une dynamique qu'il était en train d'enclencher. Heureusement, Action Française a du mal à se restructurer après ça. Germaine Berton enfonce le clou et fait une tournée de conférence une fois acquittée. Elle fera pourtant de la prison pendant quatre mois et devra payer une amende de 100 francs parce qu'il y a eu une bagarre le 22 mai 1924 suscitée par sa conférence. Tuer les fachos est impuni, contrairement aux bagarres, et c'est tant mieux. Elle refuse cette fois la détention ( au fort du Hâ ), pendant huit jours fait la grève de la faim. Elle souffre de troubles mentaux et est transportée après ces huits premiers jours d'incarcération à l'hôpital Saint-André, où elle tente encore plusieurs fois de se suicider. De même à sa sortie de l'hopital, sa plus spectaculaire tentative restant son empoisonnement sur la tombe de Philippe Daudet ( suicidé à 14 ans, fils révolté contre son père, Léon Daudet ). Le 6 juillet 1942 elle absorbe une forte dose de Véronal et meurt à 40 ans. Quatre jours après Léon Daudet. Le mouvement des surréalistes avait notamment pris sa défense. Aragon notamment. Dans Littérature de février-mars 1923 il écrit : « A une époque où toute liberté est laissée à une fraction, sous le chantage de sentiments qui flattent ce qu'il y a de plus bas dans une nation, d'exprimer partout et en tous termes une doctrine d'arbitraire et de dictature, la provocation part de ceux qui, à tout instant, menaçent chez autrui cette liberté qu'on leur laisse ; et si un individu prend conscience de cette monstrueuse inégalité, de la vanité de toute parole devant la puissance grandissante d'une telle fraction, je tiens cet individu pour autorisé à recourir aux moyens terroristes, en particulier au meurtre, pour sauvegarder, au rique de tout perdre, ce qui lui paraît,à tort ou à raison, précieux au-delà de tout au monde. » Dans le premier numéro de La Révolution surréaliste paraît le portrait de Germaine Berton entouré de ceux des surréalistes, qu'Aragon dédicace et dit se « prosterner simplement devant cette femme en tout admirable qui est le plus grand défi que je connaisse à l'esclavage, la plus belle protestation élevée à la face du monde ». André Breton rajoute « l'opinion de Germaine Berton est infiniment plus considérable que celle de Monsieur Gide ». Leur Second Manifeste dit « l'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule ». Breton voit en elle l'incarnation de la révolution et de l'amour. Il lui amène avec Aragon après son acquittement une corbeille de roses ( fleurs de l'amour ) et d'oeillets rouges ( fleurs de la révolution ) avec ces mots : « A Germaine Berton, qui a fait ce que nous n'avons su faire ».
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